Un éclairage par François Valentin
Bonjour à tous ! Footnotes, c’est votre compagnon de route pour éclairer un monde complexe. Une newsletter faite pour les professionnels pressés et les citoyens curieux qui veulent être briefés comme un ministre ou un PDG.
Francois Valentin est le fondateur du podcast Uncommon Decency. Il est Schwarzman Scholar à l'Université de Tsinghua.
On connait tous l’expression : Les Etats-Unis innovent, la Chine réplique, l’Europe régule. Un cliché somme toute assez juste des deux côtés de l’Atlantique mais qui est de plus en plus dépassé en Chine.
Ce n’est pas la première fois que pour comprendre la Chine, les observateurs utilisent souvent des raccourcis qui permettent de simplifier un pays vaste et complexe.
Au début des années 2000, l’optimisme libéral sur le commerce qui adoucissait les mœurs et amènerait la Chine vers une forme de démocratisation était monnaie courante.
Cette vision de la Chine a explosé en vol au milieu des années 2010, pris en tenaille par la concentration du pouvoir par Xi Jinping et des critiques internationales venant tous azimuts, dont notamment Donald Trump.
Ce dernier, en dénonçant les pratiques mercantilistes de la Chine, les transferts forcés de technologies, les abus de propriété intellectuelle ou encore les aides d'état, disait alors tout fort ce que beaucoup de multinationales disaient mezza voce.
La Chine deviendra alors le grand rival des Etats-Unis, une analyse partagée avec les Démocrates dans le “nouveau Consensus de Washington”.
Mais à cause de cette bascule, notre logiciel ne s’est pas mis à jour. Un investisseur chinois chevronné travaillant pour un fond international me confiait que “la vision qu'ont les élites internationales de la Chine est bloquée en 2016” comme une sorte d’Hibernatus géopolitique. Un phénomène encore amplifié par le coronavirus.
Or ce qui définit la Chine actuelle c’est avant tout ses infrastructures flambant neuves et sa puissance innovatrice. La Chine atelier du monde ou la Chine “copycat” est désormais une réalité du passé.
Aujourd’hui la Chine a un réseau ferroviaire LGV moderne avec un kilométrage supérieur au reste du monde. Pékin-Shanghai, soit la distance entre Paris et Varsovie, se fait en 5 heures dans des gares et des trains spacieux, avec des tests en cours pour réduire le temps de trajet de moitié.
Le réseau 5G possède une couverture impressionnante malgré l'immensité du pays.
La Chine utilise autant de ciment en deux ans que les USA à travers le 20e siècle.
Comme me disait un autre investisseur, il suffit de visiter les usines à Shenzhen qui ont fait faillite et leur incroyable modernité, pour imaginer celles encore plus à la pointe de la technologie qui tournent à plein régime.
C’est d’ailleurs la Chine qui produit de très loin le plus de brevets au monde.
Sur les semi-conducteurs et la technologie quantique, la Chine joue du coude à coude avec les Etats-Unis. Et les moyens investis dans la recherche de pointe ne tarissent pas.
Sur l’IA on pourrait évidemment citer Deepseek mais il existe un énorme écosystème bien plus vaste, qui se nourrit efficacement des universités et du monde de la recherche, allant parfois même s'installer en face de Tsinghua et des autres grandes universités du pays.
De plus, les entreprises chinoises luttent dans un environnement fortement concurrentiel, qui fera dire à l'investisseur Kai-Fu Lee que même la Silicon Valley passe pour un environnement très doux par rapport à la lutte féroce que se font les supers apps et autres start-ups chinoises. Celles qui survivent à ce pugilat atteignent des économies d'échelle importantes.
Le dernier exemple est la voiture électrique BYD (pour Build Your Dreams) qui dépasse désormais Tesla sur le marché européen. Mais ce qui fait son succès c’est sa capacité à innover.
Avant d'être une entreprise de voitures, BYD était une entreprise de batteries, et les leurs ont une densité énergétique redoutable, permettant une recharge en quelques minutes. Le tout dans une voiture confortable et bon marché produite dans des usines de pointe par une main d'œuvre qualifiée.
Il faut mettre les bons diagnostics sur ce qui se passe en Chine. Une mise à jour cruciale qui n’a pu avoir lieu en partie car peu d’occidentaux sont familiers du pays.
Le nombre d'expatriés européens n’a toujours pas retrouvé son niveau pré-Covid. Tandis que le PCC rend toujours la vie très difficile pour les journalistes limitant ainsi le flot d'informations.
Pourtant nous avons besoin de nous mettre à la page.
Croire aujourd’hui que c’est avant tout les transferts de technologies qui permettent à BYD de tailler des croupières à ses concurrentes c’est se mettre le compas dans l'œil.
Que l’on soit un “faucon” ou une “colombe” vis-a-vis de la Chine, il faut baser sa politique sur des éléments factuels et non pas sur des fantasmes d’une Chine qui n’existe plus.
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