Face à la stagnation des salaires, à la hausse du coût de la vie et à une fiscalité contraignante, les HENRYs peinent à accéder à la propriété et à sécuriser leur avenir.
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Avez-vous entendu parler des HENRYs ? Les “High Earners, Not Rich Yet” sont une catégorie de la population qui gagne un revenu confortable mais n’a pas encore accumulé de patrimoine. Ils ne sont pas à plaindre certes, mais l’évolution de leur situation financière interroge.
L’acronyme a été inventé en 2003 par le journaliste Shawn Tully, dans un article étudiant l’impact d’une réforme fiscale sur un segment de contribuables aisés. Globalement :
Les HENRYs sont âgés de 30 à 40 ans, touchent des salaires élevés et vivent dans de grands centres urbains comme New York, Londres ou Paris.
Ils n’ont pas (encore) constitué de patrimoine — notamment immobilier — en raison de leurs dettes et du coût de la vie élevé qui grignotent leur capacité d’épargne.
Baisse de la natalité oblige, les HENRYs sont souvent des DINKs — Double Income No Kids. À Paris, l’indice conjoncturel de fécondité (ICF) est le plus bas de France métropolitaine, à 1,26 enfant par femme en 2024 contre 1,62 au niveau national.
Là où HENRYs des années 1990 et 2000 sont parvenus à constituer un patrimoine, il y a un risque croissant que les HENRYs d'aujourd'hui se transforment en HENRE : “High Earner, Not Rich Ever”.
Il y a d’abord une tendance au tassement des salaires. Comme le souligne Antoine Foucher dans “Sortir du travail qui ne paie plus” (2024) :
Le pouvoir d’achat augmentait en moyenne de 5 % par an pendant les Trente Glorieuses en France — permettant de doubler son niveau de vie en quinze ans.
Entre 1980 et 2010, cette progression ralentit à 2 % par an — permettant de doubler son niveau de vie en quarante ans.
Depuis quinze ans, elle n’est plus que de 0,8 % par an — permettant de doubler son niveau de vie quatre-vingts ans de travail.
Même le top 10 % des revenus voit son pouvoir d’achat stagner ou diminuer. Entre 1996 et 2023, l’Insee estime que le salaire net en euros constant (i.e. corrigé de l’inflation) a augmenté de 0,5 % pour les cadres, contre 15,9 % pour les ouvriers, 10,6 % pour les employés.
D’autre part, de nombreux postes de dépenses ont augmenté plus vite que l’inflation, au premier chef desquels l’immobilier dans les villes où les HENRYs travaillent et espèrent pouvoir vivre.
En 2023, pour acquérir un appartement de 40 m² à Paris, il faut un revenu net d’environ 5 440 € par mois (soit 8 125 € brut) pour respecter le taux d’endettement, ce qui correspond à plus de € 113 945 brut/an. En 2017, c’était 78 225 € par an.
Un rapport publié par le fonds de private equity Apollo montre que l’acquéreur médian est passé de 38 ans en 2008 à 56 ans en 2024 aux États-Unis. L’âge médian des primo-acquéreurs est lui passé de 30 ans en 2008 à 38 ans en 2024.
Selon Smart Asset (2023), un salaire de 100 000 $ équivaut à un pouvoir d’achat réel de 35 791 $ à New York, 44 623 $ à Los Angeles, contre 48 959 $ à Seattle et 86 444 $ à Memphis.
En plus de la stagnation relative des salaires et l’explosion de certains postes de dépenses, il faut ajouter des effets de seuil fiscaux.
The Economist a récemment consacré un article au sujet des HENRYs au Royaume-Uni. Ils représentent environ 1,8 millions d’individus avec un salaire annuel supérieur à 100 000 £.
De nombreux avantages fiscaux disparaissent dès que le salaire annuel dépasse 100 000 £.
Couplée à un taux d’imposition marginal de 60 %, la perte de ces avantages fiscaux peut représenter un coût considérable pour certains foyers à l’occasion d’une promotion ou augmentation.
Si l’on prend en compte les frais d’assurance médicale et les remboursements de prêts étudiants, le taux d’imposition marginal de ces HENRYs peut atteindre 71 %.
Conclusion : pour un foyer avec deux enfants sous l’âge de cinq ans à Londres, on vit mieux avec 99 999 £ qu’avec 149 000 £ de revenus annuels.
La situation des HENRYs illustre les limites d’un modèle où des revenus élevés ne garantissent plus l’accès au patrimoine ni une réelle progression du niveau de vie — sauf héritage ou donation anticipée.