Alors que la guerre en Ukraine et les tensions internationales mettent en lumière la dépendance européenne aux infrastructures spatiales étrangères, Eutelsat tente de s’imposer comme alternative crédible à Starlink. Découvrez comment cette bataille pour le contrôle de l’orbite basse façonne l’avenir des communications et de la défense en Europe.
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Thomas Veldkamp est juriste de formation, avec une expérience humanitaire sur le terrain et une maîtrise de cadres juridiques internationaux variés.
Au début de l’invasion russe en 2022, les ukrainiens interpellent Elon Musk pour demander son aide. Il accepte alors d’envoyer 42 000 terminaux Starlink en Ukraine pour environ 80 millions de dollars.
Mais Elon Musk s’inquiète de son implication croissante dans le conflit. Il prend rapidement des dispositions pour empêcher ses satellites d’être utilisés en dehors du territoire contrôlé par l’Ukraine.
Lorsque le ministre des affaires etrangères polonais, dont le pays finance la moitié des terminaux Starlink ukrainiens, proposait de trouver des alternatives, Elon Musk lui a répondu sechement : “be quiet, small man. [...] There is no substitute for Starlink.” Il n’a pas complètement tort.
Après la rencontre désastreuse entre Trump et Zelensky dans le bureau Ovale en février 2025, les américains suspendent temporairement la fourniture de renseignements issus d’images satellitaires à l’Ukraine.
L’alternative européenne en question, c’est Eutelsat. Mais il reste un long chemin pour en faire une concurrent sérieux à l’américain Starlink.
Alors que l’UE cherche à construire son autonomie en matière de satellites, le secteur privé européen est à la traîne.
Aux Etats-Unis, le choix de Barack Obama de miser sur le secteur privé a fait de SpaceX un partenaire majeur de la NASA. L’entreprise aurait ainsi bénéficié de plus de 22 milliards de dollars en financements et commandes publiques depuis sa création.
Dépassée par les innovations privées, l’Europe est devenue dépendante des fusées SpaceX pour acheminer ses satellites, qui se distinguent grâce à des lanceurs réutilisables et des nouvelles technologies de propulsion.
La nouvelle fusée de SpaceX, la Falcon Heavy, pourra bientôt acheminer en orbite trois fois plus de tonnes de cargo que son lanceur phare actuel, la fusée Falcon 9.
Les faiblesses européennes s’affichent notamment en orbite bas. Le réseau OneWeb, racheté par l’opérateur franco-britannique Eutelsat en 2023 après une faillite, est le principal concurrent européen de Starlink.
Starlink n’étant pas accessible hors du territoire contrôlé par l’Ukraine, l’armée a utilisé OneWeb pour sa contre-offensive dans la région russe de Koursk en 2024.
Poussé par l’engouement qui a suivi la rencontre entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky en février 2025, l’indice boursier d’Eutelsat a bondi de 650% en mars 2025, avant une correction baissière.
Les fragilités européennes sont multiples. Malgré les annonces d’investissements dans la défense européenne, l’incertitude demeure sur leur niveau réel. L’Europe ayant déjà investi dans un nouveau programme satellitaire nommé IRIS², il n’est pas clair si de nouveaux budgets seront alloués aux satellites.
Lancements de satellites (par an)
OneWeb compte moins de 700 satellites en orbite, contre plus de 7 600 pour Starlink. Rien qu’en mai 2025, SpaceX a déployé presque 400 satellites pour proposer une couverture et un débit toujours plus performant.
OneWeb est aussi une proie atteignable pour des concurrents émergents, tel le projet Kuiper d’Amazon qui prévoit à terme de mettre en orbite plus de 3 200 satellites.
L’avantage comparatif de Starlink repose sur l’intégration verticale des satellites dans les capacités de production et de lancement de SpaceX :
Coûts de lancement : Eutelsat paie environ 3 000 dollars par kilo acheminé en orbite par SpaceX, contre des tarifs préférentiels de moins de 1 600 dollars par kilo pour Starlink.
Coûts de production : en combinant l’intégration verticale à des économies d’échelle, les satellites et terminaux Starlink coûtent jusqu’à dix fois moins que leurs concurrents.
Eutelsat reste dépendant des Etats-Unis pour la production de ses satellites, et de commandes du Département de la Défense américain à hauteur de 120 millions d’euros par an.
La concurrence étrangère s’intensifie également, présentant un risque de saturation de l’espace en bas-orbite.
Alors que Starlink vise l’objectif spectaculaire de 42 000 satellites en bas-orbite, la Chine y a déployé des effectifs considérables, visant une méga-constellation de 13 000 unités.
L’obtention d’autorisations auprès de de l’Union internationale des télécommunications – le régulateur onusien — se compliquera avec l’augmentation du risque de collisions et d’interférences.
L’incidence de l’espace en bas orbite ne se limite pas uniquement au champ de bataille terrestre, les satellites eux-mêmes devenant régulièrement les cibles de brouillages dans des zones de conflit.
Un récent rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS), un centre de recherches américain, s’inquiète des “capacités de manœuvre de plus en plus avancées” de satellites Russes et Chinois suggérant la préparation de combats dans l’espace.
Objets lancés dans l’espace (par an)