Depuis 2022, les transmissions d’entreprises repartent à la hausse en France, atteignant environ 37 000 opérations en 2024, principalement dans les petites structures et les secteurs de l’hôtellerie-restauration et du commerce.
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Après une forte baisse pendant la crise sanitaire, le nombre de transmissions d’entreprises repart à la hausse depuis 2022, atteignant environ 37 000 en 2024, selon une note de la Direction générale des entreprises (DGE). L’enjeu est de taille à l’heure de débats sur le pacte Dutreil, principal dispositif fiscal pour faciliter les transmissions intrafamiliales.
Après un creux à 32 000 transmissions en 2020, le volume a rebondi à 38 500 en 2022, puis s’est stabilisé autour de 37 000 en 2023 et 2024. La DGE dévoile quelques chiffres intéressants :
L’immense majorité des transmissions concerne des petites entreprises : 86 % ont moins de 10 salariés en 2023.
Les transmissions dans le cadre de procédures collectives sont minoritaires : 6,7 % en 2023, en baisse depuis 2014.
La valeur moyenne des entreprises cédées est passée de 255 000 € en 2012 à 303 000 € en 2024 (+19 %), avec de fortes disparités selon les secteurs : 42 000 € pour les services aux particuliers, plus de 1 M€ pour les pharmacies en moyenne.
Les secteurs les plus concernés sont l’hôtellerie-café-restauration (29 % des opérations en 2024) et le commerce (28 %).
Les entreprises cédées présentent des perspectives économiques légèrement meilleures que celles des entreprises nouvellement créées. Leur taux de survie à trois ans atteint 85,5 %, contre 81,4 % pour les entreprises nouvellement créées, selon les chiffres de la DGE.
500 000 dirigeants — employant 3 millions de salariés — sont susceptibles de prendre leur retraite sur la décennie 2020. Environ un tiers des transmissions d’entreprises sont réalisées par des dirigeants âgés de 60 ans et plus.
En France, seules 10% des entreprises sont transmises au sein de la famille, un pourcentage qui s’élève à 18% pour les sociétés employant entre 50 et 249 personnes.
En comparaison, plus de la moitié des ETI allemandes et plus de 60% des ETI italiennes restent dans le cercle familial lors d’une transmission.
Des mécanismes ont été mis en œuvre pour faciliter les transmissions, tant pour le cédant que le repreneur.
Bpifrance facilite l’accès au financement pour les repreneurs de PME avec la garantie de transmission. Elle couvre jusqu’à 60 % du montant des prêts bancaires pour l’achat de titres ou la reprise de fonds de commerce, sans limitation de montant.
Depuis 2018, les dirigeants de PME partant à la retraite peuvent eux voir leurs plus-values de cession être exonérées d’impôt sous certaines conditions, avec un abattement fixe de 500 000 € sur la plus-value réalisée.
Le principal dispositif fiscal en France est le pacte Dutreil, qui permet une exonération de droits de mutation à hauteur de 75% de la valeur des titres cédés dans le cadre de transmissions familiales, quelle que soit leur taille.
Il nécessite le respect des engagements de conservation de titres et de direction pour maintenir l'exonération à long terme.
Le dispositif peut se cumuler avec d'autres avantages fiscaux : abattement en ligne directe, réduction supplémentaire si le donateur a moins de 70 ans et transmet en pleine propriété.
Le pacte Dutreil représente environ 2 000 transmissions par an. Son coût fiscal fait l’objet d’estimations très variées.
Le chiffrage va de 800 M€ selon le projet de loi finances (PLF) à 2-3 Mds€ selon l'Institut des politiques publiques (2021).
La Cour des comptes prépare un rapport (non encore publié) qui évalue le coût du dispositif à 4-5 Mds€ selon Les Echos.
La raison de ce flou artistique ? Les pactes sont signés sur format papier chez les notaires et ne sont pas rentrés dans une base de données numérisée par l’administration fiscale.
En France, l’exonération est partielle (75 % via le Pacte Dutreil), alors qu’elle peut être totale en Allemagne (sur option) et en Italie (de plein droit si les conditions sont remplies).
En 2023, l’Inspection générale des finances (IGF) pointait du doigt certaines failles du dispositif Dutreil, notamment l’accumulation de trésorerie ou d’actifs non strictement professionnels dans les holdings transmises via le Pacte Dutreil.
En 2025, le pacte Dutreil a fait l’objet de vifs débats lors de l’examen du budget. Plusieurs propositions de durcissement du régime ont été discutées, notamment :
Allongement de la durée d’engagement de conservation des titres.
Réduction de l’exonération de droits de mutation de 75 % à 50 % pour les transmissions d’entreprises d’une valeur supérieure ou égale à 50 millions d’euros.
Restriction du champ d’application pour exclure certains actifs non strictement professionnels, comme la trésorerie excédentaire ou l’immobilier non opérationnel, en s’inspirant du modèle allemand.
Ces propositions visaient à mieux cibler le dispositif et à limiter les effets d’aubaine. Mais le gouvernement, soutenu par la majorité et le Rassemblement national, ainsi que les organisations patronales, ont défendu le maintien du Pacte Dutreil.
Toute remise en cause risquait, selon eux, de fragiliser le tissu économique français et d’encourager la vente d’entreprises à des acteurs extérieurs ou étrangers.
Les débats ont surtout mis en lumière l’absence d’évaluation précise du coût réel du dispositif, rendant difficile toute réforme sans étude d’impact approfondie.