Par où commencer pour stabiliser la dette publique en France ?

Il faut trouver €112Mds d'ici 2032 pour stabiliser la dette publique française. Comment s'y prendre ?

Footnotes
3 min ⋅ 27/10/2025

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Par où commencer pour stabiliser la dette publique en France ?

Rédigé par Adrien Joly Adrien est étudiant en économie mathématique à la London School of Economics (LSE). Il a réalisé une année d’échange à Harvard (2024-2025) et a été assistant de recherche en économie à la Harvartd Kennedy School. Il a été stagiaire à la Commission européenne où il a travaillé sur des questions liées au marché intérieur.

Edité par Thomas Veldkamp, rédacteur en chef de Footnotes. Il est juriste de formation et travaille pour une ONG internationale depuis Amsterdam. Il a travaillé dans le secteur humanitaire en République centrafricaine et pour des cabinets d’avocats internationaux à Paris et New York.

La France doit trouver environ 112 milliards d’euros d'ici 2032 pour stabiliser sa dette. C’est le constat formulé par Adrien Auclert, Marie-Apolline Barbara, Xavier Jaravel, Oskar Lasterra, Emma Laveissière, Xavier Ragot et Diego Renaud. 

Dans une note récente du Conseil d’analyse économique (CAE), ces derniers proposent un panorama complet de 170 leviers pour stabiliser la dette publique. Un simulateur interactif permet d’explorer toutes les combinaisons.

Une situation à redresser

Le niveau absolu de la dette ne suffit pas à lui seul à déterminer sa soutenabilité. La relation entre taux d’intérêt et croissance économique joue un rôle tout aussi décisif. Le mécanisme est simple : 

“Une augmentation des taux d’intérêt au-delà du taux de croissance rend plus difficile la stabilisation des finances publiques et déclenche un effet ‘boule de neige’ : la dette s’accroît mécaniquement plus que l’activité, ce qui exige des mesures de consolidation de plus en plus importantes pour en contenir la dynamique.”

Les économistes du CAE estiment qu’un effort budgétaire de l’ordre de 112 milliards d’euros est nécessaire pour stabiliser la dette française, soit 3,7% du PIB. Cet ajustement monte à 127 milliards d’euros si les taux d’intérêts augmentent de façon durable. 

Sans cet effort, la dette française va continuer d’augmenter en pourcentage du PIB et chaque année de retard rendra la stabilisation plus coûteuse. Le scénario central proposé par le CAE recommande 6 ans de consolidation avec 27 milliards d’effort dès 2026 (0,9% du PIB).

Trois cocktails possibles pour économiser 112 milliards d’ici 2030: 

À partir des données du simulateur du CAE, l'équipe Footnotes a construit trois scénarios hypothétiques pour atteindre les 112 milliards. Ces combinaisons explorent différents équilibres entre réduction des dépenses et hausses d'impôts. Elles n'ont aucune valeur prescriptive mais illustrent la diversité des options possibles.

Stratégie progressive (mix équilibré 50/50)

  • Dépenses : 56 Md€ Gel retraites 15,7 Md€, santé 16,5 Md€, budget État partiel 20 Md€, prestations sociales 4 Md€

  • Recettes : 56 Md€ CSG +1pt 14,6 Md€, taxe habitation 21,8 Md€, TVA 6 Md€, IR 13,6 Md€

  • Appréciation : la répartition des efforts est équilibrée entre dépenses et recettes, mais pèse sur les classes moyennes via l’augmentation de la TVA et le gel des prestations.

Stratégie structurelle (priorité dépenses 70/30)

  • Dépenses : 82 Md€ Gel Budget État complet 34,6 Md€, collectivités 31.9Md€, retraites 15,7 Md€

  • Recettes : 36 Md€ CSG 14,6 Md€, taxe habitation 21,8 Md€

  • Appréciation : Ce scénario évite la surchauffe fiscale mais le gel pluriannuel dégraderait les services publics, particulièrement sur les collectivités locales. 

Stratégie ciblée (optimisation redistributive 55/45)

  • Dépenses : 62 Md€ Budget État partiel 25 Md€, santé 16,5 Md€, collectivités 15 Md€, retraites ciblées 5 Md€

  • Recettes : 50 Md€ Patrimoine complet 38,4 Md€ (dont taxe habitation 21,8 Md€, ISF 5 Md€), CSG partielle 7,3 Md€, niches IR 4,3 Md€

  • Appréciation : Cet équilibre représente un meilleur profil redistributif, mais dépend du rendement incertain de l’ISF face aux réactions comportementales. Dans une note publiée en juillet, le CAE soulignait toutefois que “la fiscalité du patrimoine avait bien un effet significatif sur l’exil fiscal des plus hauts patrimoines mais celui-ci est relativement modeste et avec un effet marginal sur l’économie française.”

Trois leviers structurels en complément

Au-delà des mesures immédiates, le CAE identifie trois leviers structurels majeurs dans une stratégie de stabilisation de la dette publique. 

  • Une hausse de 0,2 point de la productivité générerait 12 milliards à horizon 2030. 

  • Une réduction du taux de chômage de 2 points rapporterait 15 milliards. 

  • Un relèvement progressif de l’âge de départ à la retraite à 65 ans améliorerait le solde public de 18 milliards d’ici 2035.

Ces gains ne se décrètent pas et leurs effets se matérialisent avec retard. Mais ils montrent qu’une consolidation durable passe aussi par des réformes favorables à la croissance et à l’emploi, notamment sur le taux d’activité des seniors.

Une équation politique à plusieurs inconnues

Le blocage parlementaire actuel illustre la difficulté de l’exercice. Le CAE ne recommande aucune trajectoire spécifique, mais offre une base factuelle pour informer le débat public. L’expérience portugaise depuis 2008 montre qu’une consolidation budgétaire ambitieuse sans aggravation des inégalités reste possible. Elle exige cependant un consensus politique sur l’ampleur de la crise budgétaire, et un travail de fond cohérent pour y remédier.


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